[PORTRAIT ALUMNI] Myriam Kajji (91è), diététicienne-nutritionniste et ingénieure agronome

Comment en choisir un seul ? Je me suis régalée pendant mes années purpannaises. Je retiens en priorité la formidable camaraderie qui régnait. À Purpan, on se fait des amis pour la vie ! Je me remémore aussi certains temps forts comme le stage et semestre à l’étranger, respectivement en Australie et aux USA pour moi, les assos et BDE, certains profs hauts en couleur, et bien sûr les chouilles.

Et allez, je repense également avec une amer douceur (ou une douce amertume ?) au beau plâtre qui a récompensé mes ventryglisses d’une fête au village !

Après l’obtention du diplôme en 2012, j’ai travaillé à Business France Irlande, au sein de l’Ambassade de France, d’abord en VIA, puis en contrat local. C’était une expérience extrêmement riche et variée mais au bout de 5 ans, l’envie d’essayer autre chose m’a titillée.

Après avoir conseillé et accompagné des centaines d’entreprises agri/agro dans leurs projets export, je suis passée de l’autre côté de la barrière en devant responsable export Europe et Moyen-Orient d’une entreprise de graines alimentaires dans le Pas-de-Calais. 

Quelques temps après, j’ai souhaité tourner la page du commerce et m’orienter vers un poste plus technique. Je me suis régalée en tant qu’ingénieure qualité et développement filières internationales d’Auchan, mais une petite ritournelle ne cessait de m’envahir : es-tu épanouie ? La dimension humaine et le sentiment d’utilité n’étaient pas assouvis. 

J’avais également à cœur d’être ma propre patronne après plusieurs déconvenues managériales. J’ai mis mon besoin de sécurité financière de côté et j’ai passé mon BTS diététique en 2 ans et me suis installée en libéral début 2025. La diététique allie pour moi à la fois l’accompagnement humain et la rigueur scientifique, le tout avec un sentiment d’utilité inhérent aux métiers de la santé. Tout en comblant ma passion de l’alimentation !

L’alimentation ne commence pas dans l’assiette, mais bien dans les champs : la qualité de ce que nous produisons conditionne la qualité de ce que nous consommons. En France, nous avons la chance de disposer d’un modèle agricole diversifié, de filières de qualité et de savoir-faire locaux remarquables. Pourtant, entre les impératifs économiques, les contraintes environnementales et les évolutions des modes de consommation, il existe parfois un décalage entre ce que nous produisons et ce que nous devrions consommer pour notre santé et celle de la planète. 

En tant que diététicienne, je constate au quotidien combien il est essentiel de reconnecter les consommateurs à l’origine de leurs aliments, de redonner du sens à leurs choix alimentaires. “Bien manger”, c’est à la fois soutenir une agriculture plus durable, privilégier la saisonnalité, les circuits courts, la diversité végétale, et adopter une alimentation équilibrée, respectueuse de notre santé et de nos ressources naturelles. Finalement, mon regard est celui d’un pont entre deux mondes qui doivent se parler davantage : l’agronomie et la nutrition. Produire mieux pour nourrir mieux, c’est un enjeu collectif majeur, et c’est aussi, à mon sens, la clé d’un système alimentaire plus cohérent, plus juste et plus durable.

Mon parcours me permet d’avoir une double lecture de la relation entre consommateurs et agriculteurs, souvent perçus comme deux mondes éloignés alors qu’ils sont profondément interdépendants.

En tant qu’ingénieure agronome, j’ai été sensibilisée aux réalités du terrain agricole : les contraintes de production, les enjeux économiques, la pression environnementale, mais aussi la passion et l’engagement des producteurs. 

En tant que diététicienne, j’accompagne au quotidien des consommateurs en quête de sens, de transparence et de cohérence dans leur alimentation.

Cette double approche me permet de comprendre les attentes et les freins de chacun. Les agriculteurs veulent vivre dignement de leur travail et produire de manière durable. Les consommateurs souhaitent bien manger, mais manquent parfois d’informations sur les réalités de la production. Mon rôle est, en quelque sorte, de créer des passerelles : aider les consommateurs à mieux comprendre ce qu’ils ont dans leur assiette, à mieux choisir leurs aliments et valoriser le travail de ceux qui le rendent possible. Cela passe par l’éducation alimentaire, la valorisation des filières locales, la pédagogie autour de la saisonnalité et la compréhension des enjeux de durabilité. Et la déconstruction d’un paquet d’idées reçues ! Cela dit, en consultation, je ne constate pas tant une défiance des consommateurs envers les agriculteurs, ceux-ci sont plutôt bien perçus et appréciés, mais plutôt envers l’aval de la chaine alimentaire à savoir les IAA et la Grande Distrib. Il s’agit là d’expliquer le concept d’ultra-transformation et les aider à décrypter la jungle des labels alimentaires.

En fonction de valeurs et des pathologies de chacun, je nuance mon propos, et cela est passionnant !

Ce qui m’anime chaque jour dans mon nouveau métier, c’est avant tout l’humain. Être dans l’écoute et l’empathie, adapter mon discours aux réalités de chacun, c’est ce qui donne du sens à chaque consultation. J’aime créer un lien de confiance, accompagner sans jugement, et voir une étincelle de compréhension s’allumer dans les yeux des patients — ce moment où tout s’éclaire et où ils reprennent confiance dans leur capacité à agir. Je me sens par exemple profondément utile quand un patient me dit qu’il peut “revivre normalement” après des années de troubles digestifs ! J’aime aussi la richesse et la diversité de mon activité : accueillir une patientèle variée sur mes spécialisations : pédiatrie (troubles de l’oralité, surpoids, allergies, etc.), endométriose, troubles digestifs, diabète, etc. Mais aussi animer des ateliers nutritionnels en structures publiques ou privées. Enfin, ce qui me tient à cœur, c’est de pratiquer une diététique science-based, loin du sensationnalisme et des discours simplistes des pseudos-coach en nutrition qui pullulent sur les réseaux (ayant malheureusement parfois le titre de docteur).

À l’avenir, j’aimerais allier de façon encore plus forte mes deux casquettes, et pourquoi pas sous forme de consulting nutritionnel auprès d’entreprises agro (amélioration du profil nutritionnel des produits, création de contenus spécialisés en nutrition, formation des équipes).

Avis aux intéressés !!

Osez donner vie à vos aspirations ! Si vous sentez que ce projet vous fait vibrer, qu’il résonne avec qui vous êtes et ce à quoi vous aspirez, alors foncez. Oui, la sécurité financière sera un peu mise de côté au début. Oui, reprendre des études quand on a déjà un bac+5 peut faire peur. Et oui, les remarques ou les inquiétudes de l’entourage peuvent parfois déstabiliser. Mais ne laissez pas ces obstacles vous freiner : on peut toujours rebondir, et le diplôme d’ingénieur restera une force, un atout, un filet de sécurité. Je ne vous dirai pas que le chemin est facile : il demande de la détermination, une vraie vision à long terme, et une bonne dose de confiance. Mais si cette voie vous permet d’être plus aligné(e) avec vos valeurs, alors le jeu en vaut largement la chandelle ! 😊